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Influence de la composition de la tourbe sur les arômes du whisky

Introduction:
En 2007, j’ai écrit mon premier article sur le whisky, la tourbe et les phénols. Plus récemment, en 2008, BM Harrison et FG Priest publièrent un intéressant article sur la composition de la tourbe utilisée pour la production de Scotch Whisky et l’influence de la profondeur d’extraction (Composition of Peats Used in the Preparation of Malt for Scotch Whisky Productions-Influence of Geographical Source and Extraction Depth, Barry M. Harrison and Fergus G. Priest, J. Agric. Food Chem. 2009, vol 57, N° 6, pp. 2385-2391).

Matériel et méthodes:
Des échantillons de tourbe prélevés dans 4  zones (Islay, Orkney, St. Fergus( Aberdeenshire) et Tomintoul (Speyside)) sont analysés par pyrolyse au point Curie en combinaison avec chromatographie en phase gazeuse couplée avec spectrométrie de masse (Py-GC-MS). Pour Orkney et Islay (Glenmachrie), des échantillons furent extraits à différentes profondeurs. A Orkney les 5 échantillons furent prélevés, depuis juste sous la surface jusqu’au fond de la tourbière à une intervalle de 30 cm et à Islay, depuis environ 10 cm sous la surface jusqu’au fond, à 25 cm d’intervalle. Brièvement, cette méthode consiste à brûler (pyrolyse) la tourbe à 610°C et le produit de cette combustion (pyrolysat) est analysé par une méthode permettant la séparation et identification de ses constituants (GC-MS). Pour plus de détails, veuillez vous référer à l’article : Composition of Peats Used in the Preparation of Malt for Scotch Whisky Productions-Influence of Geographical Source and Extraction Depth, Barry M. Harrison and Fergus G. Priest, J. Agric. Food Chem. 2009, vol 57, N° 6, pp. 2385-2391).

Résultats:

Au total, 106 produits furent identifiés, et 92 composés permettant de séparer l’origine de la tourbe. Les composés étaient séparés principalement par les classes suivantes : composés phénolique, dérivés de carbohydrates (« sucres »), composé aromatiques et composé azotés. Par méthodes statistiques (principal component analysis (PCA)), le rapport des dérivés phénoliques (composé carbohydratés/guaiacols, syringols et phénols) était le facteur principal permettant la discrimination (séparation) entre les échantillons des différentes régions, expliquant plus de 60% de la variance. Les échantillons de St Fergus de d’Islay étaient caractérisés par un fort pourcentage de guaiacols (arôme décrit comme aromatique, phénolique, brûlé, boisé, salé, fumé et médicinal), syringols (arôme décrit comme aromatique, phénolique, fumé, lardé, doux, médicinal, crémeux, viandé et vanillé) et phénols (arôme décrit comme aromatique, phénolique, fumé, lardé, brulé, salé et médicinal) dans le pyrolysat.  Les échantillons de Tomintoul et d’Orkney étaient caractérisés par une forte proportion de dérivés carbohydratés, avec la teneur la plus élevée dans les échantillons de Tomintoul.

Impact de la profondeur d’extraction sur la composition

Une réduction des carbohydrates parallèle avec une augmentation de la profondeur était détectée, avec la réduction la plus prononcée dans les 60 cm supérieurs des échantillons d’Orkney. En dessous, la baisse de carbohydrates était faible.  En parallèle avec la réduction des carbohydrates, une augmentation générale des autres classes de composé était généralement observée. Dans le cas d’Islay, la réduction la plus prononcée se trouvait dans les 25 cm supérieurs. La proportion de guaiacols, phénols et syringols augmentait avec la profondeur.

L’analyse PCA des résultats montrait que dans le cas du profile d’Islay, la profondeur d’extraction avait un large effet sur la composition. Les échantillons les plus jeunes (couche supérieure) étaient similaires aux échantillons de Tomintoul. Les échantillons plus vieux variaient moins que les échantillons d’Orkney.
Pour plus de détails, veuillez vous référer à l’article original.

Conclusion :

Sur la base de leurs résultats, les auteurs ont conclu que l’origine et la profondeur d’extraction de la tourbe résultait en des différences au niveau de la compostions chimique la tourbe une fois brulée. L’impact de ces observations est limitée : quel est l’impact de ces différences moléculaires dans le produit final et quel est la différence pour le consommateur ?

Pour répondre à cette question, il faut se plonger dans la lecture de la thèse de Barry Harrison : Peat source and its impact on the flavour of Scotch whisky, Heriot-Watt University, 2007.

Thèse :

Une fois démontré que l’origine de la tourbe a un impact sur la composition chimique du pyrosylat, B. Harrison s’est intéressée sur l’impact de ces différences sur le distillat final.

Matériel et Méthodes :

N’étant pas possible de conduire ces expériences dans une distillerie à l’échelle industrielle, la première tâche de B. Harrison fut de recréer  la préparation d’orge maltée tourbée à l’échelle du laboratoire. Le malt (orge malté) fut ensuite moût, fermenté et distillé afin de reproduire le processus industriel. Finalement, le distillat fut analysé par des méthodes analytiques (chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS)), ainsi que par analyse sensorielle (avec le nez). 
Finalement, de l’orge maltée et du distillat (new-make spirit) fut comparé avec les résultats du laboratoire.

Résultats :
Le maltage de l’orge à l’échelle du laboratoire résulte à une orge tourbée à des niveaux plus élevés que les malts tourbés industriellement, ainsi qu’à des proportions de phénols différents, en particulier les fameux guaiacols. De plus, l’analyse chimique de l’orge maltée indiquait que les classes de composés identifiés dans le pyrosylat (voire première partie de l’article) pouvaient être détectées dans l’orge maltée (ce qui veut dire que la plupart des composés présents dans la fumée tourbée se fixe sur l’orge).

Commentaire :
La préparation d’orge maltée (« kilning ») en laboratoire peut sembler élémentaire, mais la réalité est toute autre (suffit de penser aux pagodes de Charles Doig sur le toit des distilleries). B Harris accomplit un travail remarquable en créant un kiln à l’échelle du laboratoire, mais également de réplique le processus complet, ainsi que le développement des méthodes analytique afin de recréer ce processus et le produit final, ainsi que de l’évolution des transferts chimiques successifs. Conclusion importante de cette étape : différents types de composés aromatiques présents dans la tourbe brûlée  étaient retrouvés dans le malt.

Distillat/New Make Spirit :
Différents types de phénols pouvaient être identifiées dans les échantillons des malts produits en laboratoire en utilisant la tourbe de différentes origines. Les dérivées de lignine (« bois » ou composé présent dans la paroi cellulaire des cellules végétales) présents dans la tourbe n’étant quant à eux pas transférés dans le distillat. Un total de 26 composés phénoliques était identifié par analyse chimique dans les distillats produits en laboratoire.

Commentaire :
Le distillat produit à partir d’orge maltée avec de la tourbe de différentes origines résultait en des distillats avec des profiles chimiques différentes (p. ex., quantité de sucres, quantité et proportion de différents composés phénoliques).

Analyse sensorielle du distillat :

Des analystes entrainés ont essayé d’identifier les caractéristiques des différents distillats. Les soi-disant attributs (classes d’aromes) doux, céréales ou fruités/esters n’étaient pas différents entre eux. Néanmoins, l’attribut herbacé était différent (statistiquement significatif) entre ces échantillons, avec la valeur la plus élevée pour les échantillons d’Orkney et les plus faibles pour les différents échantillons d’Islay.

La comparaison entre les échantillons de laboratoires et les échantillons industriels indiquaient que les arômes » fumé, brûlé et médicinal » étaient différents, avec les échantillons de laboratoire plus fumés et plus intenses en arômes brûlés.

Commentaire :
Le distillat préparé en utilisant la tourbe de différentes sources contenait des composés chimiques permettant de séparer les distillats en fonction de l’origine de la tourbe. Cependant, une composition chimique différente ne se traduit pas toujours par des odeurs (arômes) que l’homme puisse différencier. Par analyse sensorielle, les analystes entrainés ont reniflé les différents échantillons pour vérifier si le nez humain enregistrait des différentes au niveau olfactif.

La tourbe est fréquemment utilisée en écosse pour la production de single malts, pas seulement sur l’ile d’Islay, mais également dans les Orcardes (Orkney), les Highlands, la région de Campbeltown, ainsi que dans le Speyside, où l’extraction de tourbe de pratique principalement dans les zones entourant les distilleries ou  les maltsers. Le climat dans ces régions est différent, de même que la composition des espèces végétales, résultant en une tourbe dérivée de différents tissus organiques (végétaux). Dans la production de whisky, la tourbe est utilisée pour sécher  (kiln) l’orge, avant que cette orge maltée ne soit brassée, fermentée et distillée. Pour le kilning, les couches inférieures des tourbières sont utilisées. Les résultats des travaux de B. Harrison indiquent une différence significative entre les couches inférieures et supérieures,  mais peux de variabilité entre les différentes couches inférieures. Ce qui veut dire que l’influence de la profondeur d’extraction de la tourbe n’a pas d’influence majeure sur le profil aromatique du produit final.

 

Dr P. Brossard 29 Mai 2011